Zinder

THEMATIQUE 1: LE DROIT CIVIL

Chaque capsule pédagogique consiste à un entretien avec un membre de notre Cercle des Experts entre-coupé avec des extraits illustratifs du film Zinder. La courte durée (10 mins) permet au modérateur de faire visionner la capsule et mener un débat autour d’une thématique dans une séance d’une heure. En bas de page: des ressources supplémentaires, des questions pour stimuler le débat et une proposition d’activités.

Entretien avec le Professeur Issoufou Yahaya

Les habitants de Kara-Kara n’ont pas accès à un certain nombre de services de base qui devraient légitimement être accessibles à l’ensemble de la population nigérienne. Ils n’ont pas d’écoles locales, d’hôpitaux ni même, comme le souligne Siniya, de registre des naissances. La portée symbolique de cela ne saurait être surestimée : les « citoyens » de Kara-Kara n’ont pas de statut civique !

Là où l’école est inaccessible, la formation professionnelle inexistante et les opportunités d’emploi légitimes rares, les options de survie sont limitées. Dans le film on voit que la population de Kara-Kara lutte rien que pour subsister. Siniya a besoin d’argent pour payer les frais médicaux liés à la grossesse de sa femme, mais n’a pas de “travail”. Ramsess, en tant qu’enfant aîné, doit quotidiennement nourrir sa famille. S’assurer simplement qu’il y a suffisamment de nourriture à manger est difficile et cela est particulièrement urgent lorsqu’il y a tant de bouches à nourrir (les femmes nigériennes ont en moyenne 7,2 enfants et il n’y a pas de « securité sociale » comme on peut l’entendre dans d’autres pays).

Dans ce contexte, les activités « illicites » – contrebande de carburant, prostitution – sont devenues un moyen de survie. Il ne s’agit pas de savoir si la loi sera enfreinte, mais comment cela peut être fait de la manière la moins nuisible. On se souvient de la discussion dans le Fada, où l’un des jeunes hommes se demande si ca ne serait pas mieux de reprendre ses anciens habitudes de cambrioleur, car au moins cette activité serait moins risqué que la contrebande de carburant. Ramsess, quant à elle, confie qu’elle s’inquiète des risques à sa personne et d’incarcération, mais qu’elle continue à faire de la contrebande d’essence uniquement pour subvenir aux besoins de sa famille.

Il n’est donc pas étonnant qu’un grand nombre des jeunes de Kara-Kara soit passé par la prison. En effet, en ce qui concerne les habitants de Kara-Kara, la prison semble être le seul service public qui leur est accessible ! Les jeunes y sont cases à une vitesse étonnant, même pour des transgressions mineures. Pourtant, si l’on en croit les témoignages de Salissou Cikara, Papa Solo et Americain, ce système ne fonctionne pas non plus. Ceux-ci affirment qu’ils sont accusés de crimes qu’ils n’ont pas commis, détenus sans procès pendant de longues périodes et soumis à la torture physique. Le film met ainsi en évidence un cercle vicieux – de l’absence initiale de droits civils, à la réponse désespérée d’une population privée de ses droits, à l’incarcération de cette population et enfin au mépris des droits civils et légaux dans le contexte carcéral. Dans cette courte vidéo, ces questions sont abordées par le professeur Issoufou Yahaya de l’Université Abdou Moumouni de Niamey dont le travail de consultant s’est concentré sur la réconciliation des acteurs du système judiciaire (tribunaux), du système carcéral (prisons) et de la communauté.