Zinder

HISTOIRE POLITIQUE

Afin de comprendre le fonctionnement actuel du Niger, il est important de connaître son histoire politique – la situation de la région avant la colonisation, la manière dont les choses ont été réorganisées pendant l’occupation française et le modèle de gouvernance actuel, y compris l’héritage de la domination coloniale.

Le pays que l’on appelle aujourd’hui le Niger est relativement jeune. Avant la colonisation, cette partie du monde avait des frontières, des langues et des coutumes différentes et une organisation politique très différente. Pour comprendre le contexte contemporain, il est important d’être conscient de cette histoire et de l’héritage de la colonisation.

Période précoloniale

Le pays que nous appelons aujourd’hui le Niger a été un important site de commerce trans-saharien pendant de nombreux siècles. Dès le 5ème siècle avant JC, les Touaregs du nord transportaient des marchandises à dos de chameau à travers la région et il y avait un niveau élevé de mixité entre les populations d’Afrique subsaharienne et d’Afrique du Nord. L’invasion arabe de l’Afrique du Nord au 7ème siècle a augmenté la migration vers le sud et a également vu la propagation de l’Islam comme religion. De nombreux empires et royaumes ont coexistés dans la région du Sahel pendant la période précoloniale (pas toujours pacifiquement), dont l’Empire de Mail (1200-1400) ; Empire Songhaï (1000-1591) ; Sultanat d’Aïr (années 1400 – 1906) ; Empire Kanem-Bornu (700-1700); les États Haoussa et divers petits royaumes (années 1400-1800). La démographie du Niger reflète aujourd’hui cette diversité culturelle (voir « démographie »). Entre 1730 et 1740, un groupe dissident de l’Empire du Kanem fondé par le Sultanat de Damagaram se rassemble autour de la ville de Zinder, qui devient ainsi un centre religieux, culturel, intellectuel et politique florissant. Les communautés de l’époque étaient organisées selon une hiérarchie sociale largement déterminée par le droit d’aînesse : certains groupes de la population étant considérés comme nobles et d’autres, de naissance, considérés comme soumis et attribués au rôle de serviteur ou d’esclave. L’historienne Camille Lefebvre a détaillé la manière dont cette iniquité sociale a créé un environnement de troubles sociaux qui a ensuite été exploité par l’armée française.

La Colonisation Française

À la fin du XIXe siècle, un certain nombre de nations européennes se sont lancées dans des campagnes agressives de construction d’Empire qui se traduisait en l’invasion et l’occupation des territoires étrangers éloignés. La justification de ces attaques militaires était formulée en termes explicitement racistes : l’expansion naturelle de la civilisation occidentale supposée supérieure. En réalité, il s’agissait d’un argument à peine déguisé en faveur d’un accaparement des terres et des ressources. La « ruée vers l’Afrique », comme on l’appelle depuis, consistait en l’annexion, la division et la colonisation systématiques de la majeure partie de l’Afrique par sept pays d’Europe occidentale. Pour apaiser les rivalités et éviter les tensions militaires entre eux, ces pays ont convoqué une réunion « diplomatique » internationale – la Conférence de Berlin de 1884 – au cours de laquelle ils ont négocié la manière dont l’Afrique serait partagée et divisée entre eux. Les archives diplomatiques franco-britanniques indiquent qu’à travers ce processus, Zinder et Agadez ont été théoriquement attribuées à la “zone d’influence française”. Vu d’un œil contemporain, il est alarmant qu’un processus d’invasion hostile ait été légitimé par un processus ostensiblement « diplomatique ». Les effets de la conférence de Berlin ont été dramatiques : alors qu’en 1870, 10 % de l’Afrique étaient sous contrôle européen, en 1914, ce chiffre était passé à 90 % de l’Afrique.

L’armée française a envahi le Sahara et le Sahel en 1890. L’invasion a été annoncé à la population française comme étant une cause honorable au nom de la liberté – l’éviction nécessaire d’un régime répressif. Les textes historiques désignent les militaires français comme des « forces libératrices » qui ont « conquis » des chefs tribaux tyranniques. Cette version de l’histoire a depuis été revisitée et révisée par des historiens contemporains notamment Camille Lefebvre (CNRS) dont le livre « Des pays au crépuscule » détaille la manière que la France, motivée par des intérêts particuliers, a renversé avec force les gouvernements existants. Elle souligne qu’il s’agit d’un processus d’occupation plutôt que de libération : « C’est bien une armée ennemie, en l’occurrence ici française, qui prend par la force le contrôle d’un territoire et des États constitués pour y imposer ses lois. » (p12)

L’occupation de la zone située entre le lac Tchad et le fleuve Niger a commencé en 1898. S’en sont suivies de nombreuses années de campagnes militaires et de guerres coloniales (1898-1916) aboutissant à la “colonisation” de Zinder et d’Agadez au Sahara (aujourd’hui également partie de Niger). Si l’arsenal militaire français était bien plus puissant que celui dont disposaient à l’époque les Sahéliens et les Sahariens, il est également vrai que la population de Zinder étaint bien plus nombreuse que les militaires français (80 officiers et 600 soldats français contre 15 000 à 20 000 habitants). Il semblerait que les forces d’occupation ont su exploiter les inégalités sociales dans les structures sociétales sahéliennes et sahariennes existantes à leurs propres fins. Lefebvre suggère que c’est la concordance de trois facteurs qui a créé les conditions permettant la colonisation française du Niger :

La colonisation a entraîné la réorganisation de quatre zones distinctes de l’ère précoloniale en une seule nation aux frontières artificiellement imposées. Malgré une résistance et des combats continus pendant deux décennies, le Niger a été déclaré colonie française le 13 octobre 1922. Néanmoins le Niger a continué à subir un                 « ajustement territorial » jusque dans les années 1930. La colonisation a entraîné l’imposition des modes de vie européens à la population africaine : la gouvernance, la langue, les systèmes éducatifs et les mœurs culturelles françaises ont remplacé les traditions locales qui, par défaut, représentaient une menace pour l’entreprise coloniale. La Seconde Guerre mondiale, au cours de laquelle la France a été elle-même envahie et occupée par l’Allemagne nazie, a quelque peu diminué la soif de la France pour conquérir de nouveaux territoires. Après la guerre, le Général de Gaulle a déclaré que l’empire colonial français serait remplacé par une “Union française” moins formelle. L’Union française a duré de 1946 à 1958 et a fourni aux populations coloniales une forme hybride de citoyenneté française qui leur laissait le droit de participer à la politique de leur propre territoire. Au cours de cette période, le Parti progressiste nigérien a été formé. En 1956, il y a eu un nouvel assouplissement du contrôle français avec l’adoption de la loi de réforme outre-mer, puis, après l’établissement de la Ve République française, le Niger est devenu un « État autonome » au sein de la Communauté française. Peu de temps après, le gouvernement nigérien a décidé de quitter la Communauté française.

Post-Colonisation

La République du Niger a été déclarée indépendante le 3 août 1960. Au cours des années qui ont suivi, les dirigeants nigériens se sont retrouvés au milieu d’un certain nombre d’influences concurrentes qui ont créé un climat d’instabilité politique :

Un autre facteur qui a miné l’autonomie de cette démocratie naissante est l’interférence politique de l’ancienne puissance coloniale. Bien que la France ait cédé l’indépendance du Niger, elle a conservé une main forte dans l’établissement de son nouveau gouvernement. Ces dirigeants sont donc restés très sensibles à l’influence française (avec une menace implicite d’être destitués s’ils ne se conformaient pas aux attentes du gouvernement français). Cette pression s’est faite ressentie particulièrement pour tout ce qui s’agissait des ressources naturelles, plusieurs présidents nigériens faisant face à des ingérences politiques après avoir tenté de renégocier la proportion des bénéfices revenant au Niger de l’exploitation de l’uranium. Ce fut notamment le cas des Présidents Diori et Tandja, tous deux renversés par coup d’état militaire suite à leurs efforts de renégocier le prix de l’uranium.

Au vu de ces multiples défis, il n’est pas surprenant que le Niger ait connu une grande instabilité politique. Depuis l’indépendance, il y a eu dix régimes, dont trois coups d’État militaires et six constitutions différentes. Ce n’est que ces dernières années que la situation s’est stabilisée, les deux derniers présidents ayant chacun été démocratiquement élus pour deux mandats (10 ans). La Banque Mondiale a souligné que l’instabilité politique a contribué de manière significative à la pauvreté dans le pays en « affaiblissant la gouvernance, en décourageant les investissements privés et en empêchant l’horizon à long terme nécessaire à une planification, une mise en œuvre et un suivi approprié des réformes économiques réussies » (voir ressources additionnelles). En effet, bien qu’il ait enregistré un niveau impressionnant de croissance économique au cours des dernières années, le Niger continue de se classer au bas de l’UNHDI. Cela est également lié au taux élevé de croissance démographique du Niger. Suite à son élection en 2021, le Président nigérien Mohamed Bazoum a pris des engagements explicites en faveur de la jeunesse et de l’éducation, en particulier la scolarisation des filles dans le cadre d’une stratégie concertée pour contenir la croissance démographique. Les effets ne sont pas encore visibles.