Zinder

THEMATIQUE 2: LE PHÉNOMÈNE DE LA MARGINALISATION

Chaque capsule pédagogique consiste à un entretien avec un membre de notre Cercle des Experts entre-coupé avec des extraits illustratifs du film Zinder. La courte durée (10 mins) permet au modérateur de faire visionner la capsule et mener un débat autour d’une thématique dans une séance d’une heure. En bas de page: des ressources supplémentaires, des questions pour stimuler le débat et une proposition d’activités.

Entretien avec Professeur Tidjani Alou

Le phénomène de marginalisation est au cœur de ce film. Dans les années 1950, Kara-Kara devient un lieu pour caser les ‘intouchables’ – lépreux, pauvres, handicapés – tous ceux que les dirigeants politiques considèrent comme devant être tenus à distance de la population soit pour des raisons de santé soi parce que la visibilité de leur pauvreté était inconvenante. Cela a abouti à la création d’un espace qui n’était pas seulement physiquement à la marge de Zinder mais aussi idéologiquement en dehors du domaine de la gouvernance traditionnelle. C’est-à-dire qu’en excluant une partie de la population de la fonctionnement de la société civile (accès à l’éducation, aux infrastructures et aux opportunités), les dirigeants politiques ont par défaut créé un quartier ou l’injonction à “jouer le jeu” de la société civile n’a plus vraiment de sens. Autrement dit, l’exclusion a créé les conditions propices à la délinquance.

Dans cet entretien, le professeur Tidjani Alou note que ce phénomène de marginalisation n’est pas propre à Zinder. Il souligne que, bien que le contexte géographique et politique soit différent, le comportement de ceux qui ont été marginalisés à Kara-Kara s’approchent aux schémas observés et décrits par le sociologue britannique Hoggarth dans les banlieues anglaises. Professeur Tidjani nous invite ainsi à considérer le cas de Zinder, non comme une situation exceptionnelle propre au Niger, mais plutôt comme un exemple d’un phénomène de toutes les grandes villes du monde. Kara-Kara, observe-t-il, est constitué d’une communauté de personnes qui souffrent sans doute de marginalisation mais qui continuent néanmoins à mener ce qu’on peut appeler « une vie ordinaire ». Autrement dit, à bien des égards, ils sont engagés dans les mêmes activités quotidiennes que n’importe qui d’autre – partager les repas, s’occuper de leurs familles, passer des examens médicaux, payer les factures, faire du sport, conduire des taxis… Ce sont tous des signes d’une humanité partagée – de points communs plutôt que de séparation et de différence.

Il note que certains comportements des habitants de Kara-Kara, notamment leur implication dans des activités illicites, peuvent être considérés comme une « auto-adaptation » à des conditions intenables. Il observe que l’absence d’aide du gouvernement pour remédier à cette marginalité – par l’éducation, la formation et les opportunités d’emploi – pourrait très bien conduire les habitants de Kara-Kara à se sentir obligés de prendre des mesures plus extrêmes. À cet égard, dit-il, le film constitue un corpus fertile pour l’etude des racines de la violence et souligne la nécessité d’entreprendre des études de terrain encore plus approfondies.